Wednesday 30 June 2010

Jean Quatremer interviews the Greek finance minister

The full article as it was published online in his blog at the website of Libération, can be found here. I've excluded the introduction. I am impressed by the apparent serenity of the Greek official. Please check ou the original website for more content. There's a particularly intriguing article about British disinformation and the Greek isles of the Aegen sea... You do however need to read French to follow the article. Alternatively run it through google translate. Here it is: "

Les Grecs semblent avoir du mal à accepter la cure d’austérité sans précédent que vous leur infligez, comme le montrent les grèves générales et les manifestations qui ne faiblissent pas.

C’est une période très difficile pour beaucoup de gens. Nous avons été obligés de baisser les salaires du secteur public de 15%, les retraites de 10 % et l’ensemble des dépenses publiques. Nous nous attendons donc à encore d’autres mouvements sociaux. Cela demeure raisonnable vu l’ampleur du changement que nous effectuons. Mais en même temps il y a un sentiment très profond dans ce pays qu’on ne pouvait plus continuer comme avant, qu’il était nécessaire de faire des réformes qui auraient dû être faites il y a très longtemps. L’immobilisme passé nous conduit aujourd’hui à tout changer en bloc, ce qui est beaucoup plus difficile pour tout le monde.

Les Grecs dénoncent moins l’UE et le FMI que les « voleurs » (« kleptes ») de la classe politique et plus généralement ceux qui se sont enrichi en fraudant impunément le fisc.

Pour convaincre les Grecs de soutenir nos réformes, il faut leur montrer que leurs sacrifices ne seront pas en vain, mais aussi que l’effort est partagé. Même si toute la classe politique n’a pas fraudé, loin de là, il est évident qu’il existe en Grèce un système clientéliste qu’il faut démanteler. Les citoyens veulent légitimement que ceux qui, dans le monde politique, mais aussi dans les milieux économiques ou médiatiques, n’ont pas payé leurs impôts, ont détourné de l’argent public ou ont bénéficié de pots de vin soient punis. Il y a des enquêtes en cours au sein du Parlement. Mon ministère, lui, a engagé une vaste traque des fraudeurs et publie les noms de ceux que nous prenons… Enfin, pour casser le mécanisme de la fraude, nous avons généralisé la délivrance de factures en conditionnant les abattements fiscaux à leur production par les contribuables. On n’en est pas encore au point où l’on peut dire que justice a été faite, mais les citoyens reconnaissent que, pour la première fois, nous essayons et nous obtenons des résultats.

Le problème est que l’appareil d’Etat est corrompu, y compris l’administration fiscale.

Il s’agit d’un problème d’institutions car ce n’est pas dans l’ADN des Grecs d’être corrompu. Si l’on change le mode de gouvernance, cela changera la façon dont les fonctionnaires travaillent. En attendant, c’est vrai que nous devons travailler avec l’administration comme elle est, mais s’il y a de la corruption, tout le monde n’est pas corrompu. On peut trouver des gens honnêtes et des solutions intelligentes pour contourner les points de blocage. Là aussi, nous avons sévi en enquêtant sur nos propres fonctionnaires ce qui nous a permis de découvrir que certains agents avaient des patrimoines sans commune mesure avec ce qu’ils étaient censé gagner. Dans ces cas, nous les envoyons en justice, mais la justice est lente dans ce pays… Nous avons aussi remis sur pieds une force anti-fraude spéciale, le Sdoe, de véritables incorruptibles, que le précédent gouvernement avait pratiquement dissous. En fait, vous essayez de bâtir un Etat en quelques mois…

Nous voulons effectivement reconstruire un Etat qui, dans plusieurs de ses aspects, ne fonctionne pas pour le bien public car le monde politique a utilisé les structures étatiques pour distribuer des faveurs : c’est devenu un système clientéliste. Lorsque je vois l’ensemble des lois que nous avons adoptées dans les six derniers mois, je n’en reviens toujours pas. Nous faisons en quelque mois ce qui n'a pas été fait pendant des décennies.

Dans cette grande lessive, seuls les armateurs grecs semblent à l’abri puisqu’il n’est toujours pas question de les imposer pour l’ensemble de leurs revenus.

Le système d’imposition des armateurs est prévu par la Constitution grecque, pas moins… Mais il y a du réalisme là-dedans : on n’est pas obligé d’immatriculer sa flotte en Grèce, car c’est une activité économique qui n’a pas de frontière. L’activité en Grèce est donc imposée, mais pas l’activité mondiale. On constate un mouvement d’émigration des jeunes les mieux formés. N’est-ce pas inquiétant ?

C’est un mouvement temporaire et limité. Beaucoup de jeunes qui ont étudié à l’étranger ne veulent plus vivre dans un pays où rien ne fonctionne, où les institutions ne marchent pas, où l’Etat ne sait pas où et comment il dépense, où le système d’imposition est injuste, où l’entrepreneur ne peut pas créer son entreprise parce que l’administration l’étouffe, où le système politique est corrompu. Si nous parvenons à assainir notre pays, à devenir un pays normal, nous redeviendront attractifs et nos jeunes reviendront.

La fuite des capitaux a-t-elle été importante depuis le début de la crise ?

Il y a eu une fuite des capitaux vers l’étranger, c’est vrai, mais elle est beucoup moins importante qu’on le prétend. Pour l’essentiel, je pense qu’il s’agit surtout de gens qui ont retiré leur argent, soit parce que la récession les a contraint à le dépenser, soit parce qu’ils ont eu peur pour l’intégrité du système bancaire et l’ont caché sous leur matelas.

Les effets budgétaires du plan de rigueur se font-ils déjà sentir ?

Depuis le début de l’année, le déficit public a diminué de 40 % par rapport à la même période de l’année dernière. En 2010, nous serons à 8,1 % de déficit et fin 2013, sous les 3 %.

La lutte contre la fraude permet-elle d’évaluer la part de l’économie souterraine dans l’économie grecque ? On parle de 30 à 40 % du PIB.

Il est difficile, par définition, de donner un chiffre, mais ces pourcentages me paraissent exagérés. Ce que l’on peut dire, c’est qu’en avril, les recettes de la TVA venant des petites et moyennes entreprises ont bondi de presque 10% lors que la récession est de – 2,5 % du PIB, ce qui montre que notre politique des reçus fonctionne. Malgré tout, les recettes fiscales sont inférieures à 5 points de PIB à la moyenne européenne. Si l’on pouvait du jour au lendemain récupérer les sommes de l’économie souterraine, nous serions presque à l’équilibre budgétaire ! Cela étant, cette économie grise permet aussi aux citoyens de faire face au choc du plan de rigueur : nous sommes en récession et pourtant la consommation privée augmente, ce qui est la preuve qu’il y a bien de l’argent non déclaré. Il sert d’amortisseur social.

Malgré tout, il faudra attendre 2013 pour que la dette publique se stabilise autour de 150 % du PIB.

Je crois que nous n’arriverons pas à 150 %. La croissance reviendra plus vite et plus fort que prévu. Le plan de rigueur est certes un choc sur la demande, ce qui freine la croissance dans un premier temps, mais c’est aussi un choc positif sur l’offre - réforme du secteur public et des retraites, ouverture à la concurrence des secteurs protégés de l’économie - qui va relancer la croissance. Il reste que, pour faire diminuer cet endettement, l’excédent budgétaire primaire devra rapidement atteindre 5 % du PIB (hors intérêts de la dette donc).

Une renégociation de la dette n’aurait-elle pas été une solution moins douloureuse pour la Grèce ?

Un refus d’honorer sa dette se paye très cher : l’Argentine vient seulement de revenir sur les marchés financiers dix ans après avoir fait défaut. Si la Grèce avait fait la même chose, les marchés auraient perdu confiance pendant des années, les salaires auraient continué à baisser et nous aurions eu une récession profonde. Certes, nous sommes en récession, mais cela durera beaucoup moins longtemps que si nous avions fait défaut. Surtout, je pense qu’une restructuration grecque aurait détruit l’euro.

New-York a déjà fait faillite sans que cela ait détruit le dollar.

Imaginez un instant que la Grèce fasse défaut, que se serait-il passé sur la dette souveraine des autres Etats du sud? Si vous êtes un investisseur, vous pensez immédiatement que la Grèce n’est que le premier maillon et vous fuyez vers les emprunts allemands : « flight to savety »… Les dominos seraient tombés les uns après les autres. Ceux qui comparent la zone euro avec les Etats-Unis ont tort : nous ne formons pas un Etat. Outre-Atlantique, il y a des systèmes de transferts financiers avec un budget fédéral bien plus important que le budget européen qui ne pèse que 1 % du PIB communautaire.

Ne faudrait-il pas renégocier l’ensemble de la dette publique des pays occidentaux ? Après tout, c’est à cause de la crise causée par les marchés financiers que la dette a augmentée de 20 à 30 points de PIB en deux ans…

Qui sont derrière les grands fonds qui investissent ? Le grand public, souvent des retraités allemands ou néerlandais. Il ne faut pas s’imaginer que le système financier est coupé du monde réel. Si l’on pouvait trouver 100 personnes et les faires payer, je serais pour… Faire défaut, c’est faire payer tout le monde en réalité.

Comment allez-vous rétablir votre compétitivité alors que vous ne pouvez plus dévaluer ?

La question de la perte de compétitivité, ce n’est pas seulement une question de salaires. C’est aussi une question de structure de prix et donc de structure de marché. Il faut la modifier en introduisant de la concurrence là où elle n’est pas suffisante (comme dans le transport routier), stabiliser le système fiscal, rendre l’administration plus efficace, supprimer la bureaucratie là où elle n’est pas nécessaire, etc. La dévaluation, cela peut-être très utile dans le cours terme. Mais si on ne fait pas face aux problèmes structurels, cela ne règle strictement rien.

L’Union a-t-elle bien réagi à la crise de la dette souveraine ?

Elle a eu du mal à réagir rapidement car elle n’a pas anticipé l’ampleur de la crise. Si on avait réagi deux mois plus tôt, l’aide à la Grèce n’aurait put-être pas du atteindre 110 milliards d’euros. La leçon est qu’il faut construire une vraie gouvernance économique car le système tel qu’il est ne peut pas résister à un choc asymétrique, on vient d’en avoir la preuve. Cette crise est une opportunité pour changer le système.

N.B.: Il s'agit de la version complète de l'interview paru ce matin dans Libération "

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